Revue philosophique

La construction du mathématicien
Qu'appelle-t-on les mathématiques ?

 

Nous nous proposerons de démontrer que les mathématiques en tant que mode d'expression de la logique (les syllogismes en sont un autre) sont une construction du mathématicien à caractère intersubjectif (chaque homme voit la même chose en regardant l'écriture mathématique). En cela, nous allons totalement à l'encontre des théories logicistes postulant une logique qui existerait en dehors du monde des hommes, en dehors des sociétés humaines.

 

Pour citer cet article :

Ouasti, Mohamed. La construction du mathématicien - Qu'appelle-t-on les mathématiques ? Philosophie, science et société. 2017. https://philosciences.com/construction-du-mathematicien.

 

Plan de l'article :


  1. Critique du logicisme
  2. Psychologie du développement
  3. De la sensibilité de l'observateur particulier jusqu’aux mathématiques universelle
  4. Intersubjectivité et communication de la pensée mathématique
  5. L'éternne retour du réel et les trois modalités de l'être
  6. Conclusion

 

Texte intégral :

1. Critique du logicisme

Précisions méthodologiques

Nous commençons volontairement par ne pas nous demander ce que “sont” les mathématiques afin de ne pas tomber dans le préjugé ontologique, mais également pour ne pas commencer par une définition. L'avantage de la méthode constructiviste est justement de sortir de l'aporie habituelle des mathématiques qui se présentent comme science “Vraie” mais qui partent d'axiomes, de “vérités” non démontrés et non démontrables. Enfin, il est généralement dit que les mathématiques sont un langage comme le français en est un. C'est absolument faux. Si les mathématiques sont un langage, c'est d'une nature toute différente du langage articulé. Il ne peut exister d'hommes sans langage articulé1. Par contre, il peut exister un homme sans mathématiques.

La critique de Piaget de ces deux courants joue le même rôle que la critique de Lukács durant sa période marxiste au sujet de Hegel. Lukács estimait que l'idéalisme de Hegel l'empêchait de voir la nature réelle des évolutions historiques. De même, Piaget estime que la soumission des capacités cognitives à la logique chez Russell ainsi que celle de la psychologie de la pensée (plus subtile, mais tout autant vraie) empêche de voir la nature génétique des opérations de la pensée2.

Russell, platonicien malgré lui.

Russell estime que l'homme ne perçoit que des universaux subsistant indépendamment de la pensée du sujet. Quant aux lois qui ordonnent ces universaux, elles relèvent de la logique et existent également indépendamment du sujet. Lorsque j'effectue l'opération “1+2=3”, les universaux “1”, “2” et “3” existent et existeraient même si l'homme n'existait pas. De même, les opérations “=” et “+” qui relèvent de la logique ne sont pas des opérations du fait de l'homme, mais existent de tout temps. En voulant fonder les mathématiques sur la logique, Russell ne fait que cacher son platonisme sous le tapis qu'il appelle la logique.

Psychologie de la pensée, une téléologie de la connaissance.

La psychologie de la pensée présente les processus cognitifs comme le miroir de la logique. Elle semble être une alternative au logicisme de Russell, mais est en réalité également une soumission totale à la logique. Pour les tenants de la psychologie de la pensée, la logique n'est pas extérieure à l'homme, mais lui est intérieure. C'est l'homme qui adapte sa pensée à la logique et donc la pensée de l'homme tend à devenir logique. C'est une vision téléologique de la connaissance. L'homme pense pour être logique.

Critique et point commun de ces deux écoles

Ces deux visions de la logique ont pour point commun de n'être pas génétiques, elles prennent la logique comme une donnée première. Pour elles deux, la psychologie est le miroir d'une logique qui existe indépendamment de l'homme. Or, les travaux de Piaget nous ont montré que la logique est une conception humaine, donc la logique est le miroir de la psychologie. Comme le disait Nietzsche dans Le Gai Savoir “Nous ne sommes pas des grenouilles pensantes, des appareils enregistreurs aux entrailles frigorifiées; nous devons constamment enfanter nos pensées dans la douleur et leur donner maternellement tout ce que nous avons de sang, de cœur, de feu, de joie, de passion, de tourment, de conscience, de destin, de fatalité”. La logique est donc une création purement humaine.

2. Psychologie du développement

Rappel des positions de Piaget

L'approche de Piaget est essentiellement descriptive. Il se contente d'observer les phases de formation des capacités d'opérations logiques humaines qui mèneront à la possibilité de la forme mathématique. Il agit, de ce fait, comme en embryologie où l'on observe les stades de la morphogenèse jusqu'à la morphologie adulte. Depuis la naissance jusqu'au stade adulte, on observera quelles sont les capacités que l'enfant acquiert au court du temps, mais également dans quel ordre. On verra donc chez l'être humain la conservation de la matière apparaître à 7 ou 8 ans tandis que la conservation du volume apparaît à 11 ou 12 ans. Les capacités de sériation et classification apparaissent à environ 8 ans. Piaget découvre que ces capacités sont séquentielles, elles apparaissent toutes dans le même ordre pour différents enfants et qu'elles sont universelles (que l'enfant soit français ou iranien, prolétaire ou bourgeois, il passera par tous ces stades, seule variera sa précocité).

Ce sont ces capacités qui mènent à la possibilité d'une écriture mathématique (nous privilégierons le mot « forme » dorénavant). Ce n'est, par exemple, qu'après être passé par les stades de sériation et classification ainsi que d’auto-conservation (le jeune enfant ne comprend pas que l'objet qui est dans votre main existe toujours si vous le lui cachez) que l'on peut écrire et comprendre “3<5”. On comprend assez bien que c'est après avoir acquis la capacité de sériation que l'enfant peut comprendre que le chiffre « 5 » est plus grand que le chiffre « 3 », mais il faut également qu'il acquière la capacité d'auto-conservation qui consiste à pouvoir se représenter un objet qui existe, qu'on ne le voie pas, c'est ce qui mène à la capacité d'abstraction pour « concevoir » les chiffres « 3 » et « 5 ».

Pour revenir à notre problème principal, Piaget nous montre bien que ce n'est pas la logique qui fait l'homme, mais l'homme qui fait la logique. Par extension, la forme mathématique est bien “enfantée dans la douleur”.

En nous appuyant sur les résultats de Piaget, nous sommes amenés à en déduire que les mathématiques ne sont pas un langage abstrait tombé du ciel, mais bel et bien la création du mathématicien.

L'identité du sujet et de l'objet

Il ne faut pas croire que l'être humain est passif dans l'obtention de ses capacités d'opérations logiques, nous risquerions de retomber dans une téléologie de la connaissance, dans une conception de l'acquisition des opérations logiques comme développement de ce qui existait déjà à l'état embryonnaire (une entéléchie). C'est dans une constante activité avec l'objet que le sujet se forme. Comme Piaget l'a dit lui-même, il n'a “jamais vu la perception mais l'activité perceptive”. C'est la dialectique du sujet et de l'objet qui permet la genèse de ces opérations. La subjectivité du mathématicien est donc bien constitutive des mathématiques3. Ce n'est donc pas un hasard si l'homme peut « comprendre » le monde.

Pour revenir à notre sujet, si la forme mathématique est la création du mathématicien, comment expliquer que celle-ci soit transmissible entre tous les hommes, d'où vient l'universalité qu'on lui accorde, alors que sa création est manifestement subjective et comment est-ce que la forme mathématique peut rendre compte aussi directement des opérations logiques ?

3. De la sensibilité de l'observateur particulier jusqu’aux mathématiques universelles

La forme mathématique n'a AUCUN contenu (et c'est bien là sa force). Elle est incapable de saisir le réel. C'est uniquement accolée à une science expérimentale (sciences physiques par exemple) qu'elle peut commencer à atteindre le réel. Mais, étant incapable de saisir le réel, elle en est également indépendante.

L’expérience est aveuglante

C'est l'observateur qui regarde le monde et c'est lui qui fait l’expérience. Lorsqu'il interprète les résultats d'une expérience, un certain nombre de problèmes l'empêche de voir la nature réelle du phénomène. L'ensemble de ces problèmes ont été décrits par Bachelard dans La formation de l'esprit scientifique. Parmi les problèmes qui surviennent chez l'observateur, on peut citer la fascination sensuelle qui consiste à être tellement fasciné par l'image que nous percevons du phénomène qu'on ne peut plus voir sa réalité. Les grecs anciens qui se rapprochaient le plus de la réalité pensaient que le rayon du soleil était de quelques dizaines de kilomètres...

Le détour théorique par mathématisation des phénomènes

Mettre ces phénomènes sous forme mathématique, c'est les purger de la sensibilité et des représentations de l'observateur. Bien sûr, celles-ci existent toujours. C'est d'ailleurs l'objectif principal en science de l'ingénieur, poser le problème. Lorsque je résous un problème physique, le plus dur est de poser le problème (paramétrer un système, par exemple, et ça c'est déjà de l'ordre de la subjectivité, seul le critère de la simplicité venant avec l’expérience permet de résoudre un problème plus rapidement ou pas, une fois qu'on a les équations, n'importe qui trouvera la même solution).

C'est en mettant le problème sous forme mathématique que l'on peut sortir d'un grand nombre d'embûches liées à la fascination de l'observateur et à sa sensibilité. L'exemple le plus emblématique est certainement le comportement d'Einstein envers les transformations de Lorentz. Ces transformations consistent à passer d'un référentiel galiléen à un autre référentiel galiléen en mouvement par rapport à ce dernier. Pour Lorentz, le temps est le même que l'on soit en mouvement ou non, il décide donc de prendre la même valeur de temps pour tous les référentiels galiléens. Le génie d'Einstein, c'est d'avoir fait varier le temps au niveau des équations. Là, il s'est désolidarisé de tout rapport à sa sensibilité.

Le passage de l’expérience à la mathématisation, puis le retour à l’expérience, l'expérimentation

Je ne peux voir le monde que par le prisme de mes opérations logiques. Le passage de l’expérience à sa mathématisation passe par une schématisation de l’expérience, on a donc une simplification subjective de la réalité. On peut prendre pour exemple le fait de considérer que les orbites des planètes autour du soleil sont des cercles, alors qu'elles sont plus proches d'ellipses. La mathématisation d'un schéma faux me permet néanmoins d'avoir des résultats corrects en fonction de la finalité pratique recherchée. Chercher la pertinence d'un schéma, ce n'est pas savoir s'il est conforme à la réalité ou pas, mais savoir s'il est assez conforme à la réalité pour réaliser le but recherché. Voilà pourquoi le seul critère de validité est la pratique.

C'est, en effet, le seul critère de validité qui permet de revenir à la schématisation de l’expérience si celle-ci est fausse. Elle n'est pas fausse dans l'absolu, mais fausse par rapport à la finalité recherchée. Pour reprendre nos analogies marxistes, la première schématisation représente le stade idéel du travail chez Marx. C'est le stade du projet avant de passer à l'aspect pratique qui doit le réaliser. Mais, jusqu'à arriver au résultat pratique, la forme mathématique reste une forme abstraite. En effet, lorsque je veux résoudre des équations paramétriques, ce ne sont plus des forces, des temps et des distances que j'ai dans mon équation, mais une forme mathématique, une équation différentielle du second degré, par exemple, avec plusieurs inconnues que je dois résoudre. D'ailleurs, le résultat est également une schématisation. J'applique un modèle à la réalité et, selon les incertitudes que je peux tolérer, je le garde ou le change.

4. Intersubjectivité et communication de la pensée mathématique 

Maintenant, se pose la question de l'échange des informations. Si les mathématiques sont une création subjective du mathématicien, comment expliquer que tous les êtres humains se mettent d'accord sur la valeur d'un raisonnement mathématique ?

L'intersubjectivité de l'objet mathématique

Comme l'expliquait Jean Piaget, les opérations logiques sont les mêmes chez tous les êtres humains, ils passent tous par les mêmes stades et, au final, tous les êtres humains sont capables potentiellement des mêmes opérations logiques. Donc, lorsque le mathématicien exprime les opérations logiques dont il est capable sous la forme des mathématiques, il ne fait qu'exprimer une capacité commune à tous les êtres humains. Lorsque plusieurs êtres humains voient l'opération « 1+1=2 », ils voient tous la même chose. Cette opération n'est pas objective, car elle n'a pas de sens en dehors de l'être social (de la société des hommes), car ce sont les hommes eux-même qui la conçoivent, mais elle est intersubjective, tous les hommes voient la même chose quand ils sont convenablement socialisés dans une même société.

Par contre, lorsque j'utilise un mot, la sensibilité, le vécu et la subjectivité de chaque homme influent sur son affectivité. Le vécu d'un homme qui a fait la guerre peut lui donner un ressenti différent des mots “ennemi”, “ami”, “mort” par rapport à un homme qui n'aurait pas fait la guerre. Par contre, tous les êtres humains voient la même chose lorsque j'écris le chiffre « 1 ». De plus, ce symbole est directement traduisible dans toutes les langues. En revanche, lorsque j'écris un mot, je ne suis pas sûr de trouver son équivalent direct dans une autre langue. Les mathématiques sont bien une convention, mais une convention universelle, car reflet des opérations logiques elles-mêmes universelles.

Le livre d'Alexandre Koyre, Du monde clos à l'univers infini, établit un historique des conceptions de l'univers. Avant le développement des mathématiques et leur utilisation via notamment les lois de Kepler, l'astronomie s'écrivait sous forme de traité, les problèmes d'interprétations étaient légions. Lorsque je pose mon modèle astronomique sous forme mathématique, ce problème disparaît et un chinois comprend tout aussi bien que moi les trajectoires elliptiques des planètes selon Kepler.

En conclusion, les découvertes mathématiques ne sont pas un continent étranger à atteindre, mais bel et bien la conquête de soi-même ! C'est la mise en évidence des opérations de l'être humain. Il est d'ailleurs révélateur que, dans son livre sur Le Structuralisme, Piaget fait remarquer que les trois structures mathématiques mères irréductibles relevées par les Bourbaki existent à l'état embryonnaire dans les opérations logiques de l'enfant. Est-ce que des extra-terrestres auraient la même logique que nous ? Nous n'en sommes pas sûr.

La forme mathématique est une forme communicable sans ambiguïté à tous les êtres humains. Le génie des mathématiques, c'est d'avoir codifié et rendu transmissible les opérations logiques humaines sans le problème des représentations sensibles.

La circulation de la forme mathématique

La forme mathématique permet, en étant appliquée à des sciences expérimentales, de communiquer le développement et ses résultats aux autres êtres humains. Pour reprendre les exemples de Koyre, les problèmes d'interprétations sont très amoindris comparés aux traités. Plus de scientifiques qui peuvent travailler et comprendre le même problème, c'est une efficacité augmentée. On peut prendre l'exemple du calcul infinitésimal qu'Archimède a commencé à développer et sa reprise et finalisation par Descartes, Newton et Leibniz. C'est, encore une fois, l'intersubjectivité des mathématiques qui permet à l'ensemble des hommes de pouvoir les manipuler. La forme mathématique a donc tendance à se substituer aux formes verbales dans les liens entre les hommes. Il suffit d'ailleurs de lire un cahier des charges technique pour s'en rendre compte. On quantifie tout afin de ne pas laisser d’ambiguïté dans la conception du produit final, on ne donne pas une couleur, mais on donne la longueur d'onde correspondante.

Fétichisme des mathématiques : du règne du sorcier au règne de l'expert

Lorsque les mathématiques paraissent être une fin, elles prennent une indépendance de façade et leur intersubjectivité prend l'apparence de l'objectivité. Cette apparente autonomie amène à enlever toute subjectivité à l'observateur. Malheureusement, la fascination de la forme mathématique prend le pouvoir sur la réalité du contenu, c'est le fétichisme de la forme mathématique. Devant ces équations donnant l'illusion du vrai absolu, l'homme a tendance à oublier que la forme mathématique prend naissance dans son esprit pour s'appliquer à la réalité. La fascination que cette forme exerce sur lui en font un nouveau Dieu, le Dieu-mathématique. Évolution menant à l'avènement de l'expert « ce n'est plus dieu qui dit ce qu'il faut faire mais c'est la  Science »

On passe de la fascination sensuelle (sorcier) à la fascination des « lois éternelles » mathématiques, de l'incapacité à s'abstraire de la réalité à l'incapacité de se souvenir du réel.

5. L'éternel retour du réel et les 3 modalités de l'être

La forme mathématique est donc bien universelle, car intersubjective, mais n'est qu'une forme. Les mathématiques n'ont de sens qu'accolées à une science expérimentale. Donner une équation à une autre personne revient à lui dire un mot qui n'a pas de réalité.

Les mathématiques sont le lien que les hommes établissent pour augmenter leur maîtrise de la nature. Mais, elles naissent dans l'esprit de l'homme pour être appliquées au concret et c'est le seul critère de vérité. On pourrait donc objecter que ce fétichisme de la forme mathématique est aboli par les résultats pratiques en dernière instance. Cette objection est recevable et nous permet de définir ce que nous avons appelé le réel, le concret, la réalité, bref, l'être.

On dénombre trois modalités de l'être : l'être inorganique (planètes, montagnes, etc.), l'être organique (animaux) et l'être social (société humaine). Ces différentes modalités de l'être ont une « nature » processuelle et irréversible.

Il est possible de systématiser ce qui relève de l'être inorganique, car celui qui systématise (le scientifique) est extérieur à l'être inorganique. Là, le fétichisme de la forme mathématique ne s'applique pas, le résultat pratique est intersubjectif.

Quant à l'être organique, il a une position bâtarde entre les êtres inorganique et social. L'objet d'étude peut être un homme, mais ce sera un homme en tant qu'objet biologique. L'observateur étudie donc un objet où le résultat pratique est visible et jugeable par tous les hommes.

Enfin, la systématisation de l'être social est très problématique. Celui qui doit systématiser l'être social en fait partie, il ne peut donc pas en avoir une vision globale. De plus, le résultat pratique a également lieu dans l'être social, celui qui doit l'apprécier a un point de vue qui lui donnera une certaine vision de ce résultat pratique (c'est l'identité partielle du sujet et de l'objet dont le fétichisme de la forme mathématique est une conséquence).

C'est toute l’ambiguïté de la position du chercheur au sein de l'être social qui amène au fétichisme de la forme mathématique. Pensant s'en remettre à la froideur du calcul, le chercheur pense que le résultat obtenu aura l'intersubjectivité voire l'objectivité que lui confèrent les « sciences dures ». En réalité, il ne fait que cacher le fait qu'il a une certaine position dans la société (position de classe par exemple) qui l'amène à un certain point de vue et donc à une certaine appréciation de la réalité. C'est donc dans l'être social que s'applique pleinement le fétichisme de la forme mathématique. Nous visons, dans ce paragraphe notamment, les sciences politiques, les sciences économiques, les sciences sociales...

Conclusion

Les mathématiques ne sont pas un langage abstrait tombé du ciel, mais bel et bien une conception humaine. Pour que la mathématique existe, il faut que l'être humain l'ait dite et écrite. Nous sommes donc devant une construction humaine, un outil au sens de moyen terme entre l'homme et le réel.

Les mathématiques sont le langage dans lequel les découvertes sur l'être peuvent se transmettre sans l’ambiguïté du mot pour une finalité pratique. C'est un langage universel, car les groupements d'opérations sont universels, mais c'est un universel abstrait, sans détermination, c'est la science empirique qui donnera sa détermination à la mathématique. Je peux résoudre une équation différentielle du second degré, cela ne me dit rien sur le monde. Si l'on me dit que x est la vitesse, t le temps, etc., elle dit quelque chose sur le monde. C'est parce qu'elle est orientée vers un résultat pratique pour les besoins de l'homme que la mathématique acquiert un sens.

 

Bibliographie :

 

Bachelard G., Le nouvel esprit scientifique, Paris, PUF, 1934.

Bachelard G., La formation de l'esprit scientifique, Paris, Vrin, 1938.

Lukács G., Prolégomènes à l'ontologie de l'être social, Paris, Delga, 2009.

Piaget J., Psychologie de l'intelligence, Paris, Agora, 2007.

Koyré A., Du monde clos à l'univers infini, Paris, Gallimard, 1988.

 

Notes :

1 Marx appelait des “robinsonnades” cette croyance bourgeoise d'hommes existant de façon éparse se réunissant finalement pour former des sociétés. Il n'existe d'homme qu'en société, car c'est en société que l'on nous transmet le langage articulé.

2 Les analogies entre théorie de la connaissance, conception de l'histoire (et même théorie biologique) ne sont pas fortuites. Pour concevoir le matérialisme dialectique comme structure significative dynamique, Goldmann reprend les travaux de Piaget. Ce dernier établit lui-même une analogie entre théorie de la connaissance et grande doctrine biologique de la variation évolutive (par exemple, l'harmonie préétablie malebranchien au créationnisme).

3 cf. notamment les études de Piaget sur la centration et décentration concernant l'activité du sujet par rapport à l'objet.