Deuxième partie

Skier avec la montagne

 

Il y a mille et une manières de skier. L'une d'entre elles consiste à s'intégrer dans le paysage. Il faut minimiser l'effort, se faire léger, laisser une trace nette et mince qui disparaitra au premier souffle de vent. Ce style est une esthétique, mais aussi un mode de relation respectueux de l'environnement montagnard qui reste encore un peu préservé. Il permet un passage discret, furtif. Il permet d'être avec la montagne. Le ski dont nous parlons ici se pratique loin des pistes.

« … le randonneur à ski n’entreprend pas une ascension sportive, mais un véritable voyage, en osmose avec la montagne et le grand mystère blanc. L’art de naviguer parmi les neiges ouvre une trace, et celui qui l’emprunte en revient purifié » (Cédric Sapin-Defour). Cheminemer à ski dans la neige n’est pas un sport, mais une méditation, une façon de participer aux silences blancs de l’hiver et de se glisser dans la beauté des paysages. Le skieur méditatif participe de l'espace enneigé, il s’y fond dans un cheminement discret et en revient ébloui par la beauté qui l'a assailli. Par l'attention et les efforts nécessaires pour y survivre transitoirement, les déserts blancs et glacés augmentent la conscience d'exister.

Glisser sans hâte en choisissant les plus belles trajectoires, c'est échapper à la tyrannie sociale de la vitesse, c'est s'émanciper de la norme sociale, c'est se donner la liberté de choisir sa propre norme : aucune performance, aucun exploit, seulement le plaisir de réussir une parfaite adéquation avec son environnement.

Il faut de l'attention pour éviter les embuches des neiges toujours changeantes, repérées à l'avance par l'œil et au dernier moment par le « touché » des skis sur la neige. Il faut repérer les plaques de glace, les vaguelettes poussées par le vent et durcies par le regel, l'adoucissement soudain de la poudre de la veille ou celle de l'avant-veille qui, chauffée par le soleil, a croûté au matin. Cette attention demande une présence intense.