Le terme d’archéologie philosophique a été utilisé pour la première fois par Emmanuel Kant dans sa dissertation sur « les progrès réels de la métaphysique en Allemagne depuis Leibniz et Wolf » (1793, publié en 1804). Comme il n’y a pas de définition communément admise, nous nous référerons aux auteurs qui emploient le terme d'archéologie.
Michel Foucault utilise le terme « archéologie du savoir » pour différencier ses travaux de ce qu'il est convenu de nommer l’histoire des idées. Après avoir avancé le terme « d’épistémè » dans Les Mots et les Choses (1966), celui « d’archéologie » apparaît trois ans plus tard lorsqu’il explicite sa démarche.
Dans l’ouvrage éponyme, L’Archéologie du savoir, Foucault différencie les énoncés, les formations discursives et l'archive. Les énoncés organisés en formations discursives présentent une homogénéité. Il y aurait un « système général de la formation et de la transformation des énoncés » (L'Archéologie du savoir, p. 171). Le rôle de l’archéologie est de mettre à jour ce système de transformation qui serait « la condition de possibilité des énoncés » (à côté d’autres conditions, logiques, psychologiques, grammaticales, qui ne sont pas prises en compte).
Dans une interview du 09/05/1969, Michel Foucault insiste pour définir les formes, le fonctionnement et la pratique du discours comme l’objet propre de l’archéologie. Ils seraient différents des pensées et différents des pratiques sociales, économiques, politiques. Il s'agirait de rendre compte de « ce que les hommes font lorsqu’ils parlent ».
Mais, en même temps, Foucault définit l’archéologie comme « une histoire de ce qui rend nécessaire une certaine forme de pensée », ce qui n’est pas la même chose, car la pensée implique toujours la mise en œuvre active de processus cognitifs associant des concepts et des formes de rationalités (ce qui s’oppose à une possible formation autonome des énoncés).
C’est en ce sens qu'Alain de Libera reprendra le terme à Michel Foucault (Leçon inaugurale au Collège de France). Pour lui, il s’agit plus spécifiquement d’une archéologie philosophique (et non du savoir en général) visant à restituer une dynamique : les processus conduisant d’un événement de pensée à un autre.
De Libera reprend à Robin George Collingwood le « constructive re-enactement » consistant à re-penser comme les auteurs étudiés en s’immergeant dans leur contexte. Il s'agit de reproduire les événements de pensée qui ont eu lieu. Pour cela, il faut reconstituer les Complexes de Questions-Réponses présents à l’époque et qui caractérisent la dynamique philosophique en cours. « L’archéologie montre comment les complexes questions-réponses s’enchaînent de manière ordonnée » (Séminaire, Collège de France, 26 juin 2014).
Il reste à savoir si l’historicisation de la pensée que représente l’orientation « archéologique » doit être distinguée et séparée de l’histoire des idées.