Au plus simple, on peut définir l’ignorance comme l’absence de savoir. En ce qui concerne les sciences, deux cas sont possibles. Soit, il s'agit d'un savoir déjà connu que l'on a oublié ou laissé de côté. Soit, il s'agit de quelque chose qui est inconnu, ce qui marque tout simplement la limite du savoir.
L'ignorance, si elle est consciente d'elle-même, peut être le point de départ d'une enquête scientifique. Mais elle n'est jamais suffisante. Il faut qu'elle s'accompagne d'une volonté et d'une possibilité de connaitre. Le chercheur identifie un domaine dans lequel le savoir est pauvre ou inexistant. Il désigne un domaine d'ignorance ; ce qui l'amène à entreprendre une recherche. Cette forme d'ignorance est partielle, car il faut quand même arriver à désigner ce qui est inconnu, et donc en avoir une prescience.
L'ignorance peut être active, car certains domaines ne sont pas intégrés ou pas intégrables dans les cadres conceptuels, méthodologiques ou institutionnels de la science en cours. C'est le résultat de limitations dans les recherches en cours, de biais dans la sélection des sujets étudiés, ou encore de contraintes financières ou éthiques qui limitent les questions pouvant être posées. Sur un plan cognitif, l'absence de recherche peut venir du refus de la nouveauté, de l'impossibilité d'envisager ce qui contredit le paradigme accepté.
L'ignorance peut aussi concerner un savoir existant dans un domaine scientifique donné qui est oublié. La raison principale de ce type d'ignorance est l’absence de transmission du savoir. S’interroger sur l’absence de transmission d’un savoir d’un savoir inutile et périmé est de peu d’intérêt. Par contre, il est important, du point de vue de l'évolution des sciences et de la préservation de leur qualité, de comprendre pourquoi certains savoirs utiles, tombent dans l’oubli ou deviennent marginaux. Ils réapparaissent ensuite.
Il y a probablement un mélange de causes épistémologiques et sociologiques. La science demande des consensus et elle élimine en permanence un grand nombre de thèses hasardeuses. Parmi celles-ci certaines auraient mérité d'être poursuivies. Leur éloignement du paradigme admis associé à des influences sociopolitiques ne l'ont pas permis. C'est à l'historien et au sociologue de dire pourquoi des pistes de recherche sont abandonnées.