Le terme de sujet est employé dans la psychologie, la psychanalyse, la morale, l’éthique, la politique, le droit, la linguistique et même la critique littéraire. Il est dans ce cas le nom donné à diverses entités ayant trait à la personne, à l’individu, à l’ego, au moi. D'un point de vue pragmatique, il renvoie à l'identité est utile à l'identification et à l'imputation des personnes. La modernité s’est construite sur l'idée que l'Homme serait un sujet souverain unifié, mais, par ailleurs, elle n’a cessé de démontrer la vanité d’une telle prétention en mettant en évidence les multiples déterminations, biologiques, psychologiques, sociales, économiques, épistémiques, dont il dépend et qu’il méconnaît.

En philosophie, le sujet est à l'origine substance ou substrat, chose porteuse d’accident. Il est devenu agent et en particulier l’agent de la pensée rationnelle. On désigne ainsi le supposé point de source de la pensée, l'origine de l'autonomie consciente, de la souveraineté et de la liberté individuelle, voire l’agent unique des actes, le pilote de l’individu autonome. Pour John Locke, l’identité subjective est attribuée à la conscience. « Aussi loin que [la] conscience peut s’étendre sur les actions ou les pensées déjà passées, aussi loin s’étend l’identité de [la] personne » (Essai sur l’entendement humain, II, XXVII, 9).

La notion de sujet se greffe sur la théorie de la connaissance opposant sujet et objet, ce qui implique que le sujet ne puisse être en même temps son objet. Le sujet serait l'origine de la connaissance, le pilote autonome la dirigeant vers la réalité extérieure objectivable, dont il ne ferait pas partie. Mais, la subjectivité étant trompeuse, il faudrait aller vers l’objectivité. Pour Descartes, il est évident qu'en l’homme, c'est un « je » ou un « moi » qui pense. Par là, se dessine un mouvement d’appropriation de l’esprit-substance, le « sujet » participant de cette substance et la résumant. La pensée, considérée comme certaine, est attribuée à un sujet unifié et individué (je-moi) et l'un et l'autre sont substances.

Selon Emmanuel Kant, le sujet contient la conscience intellectuelle d'être. Il constitue l'unité synthétique originaire de l'aperception, condition transcendantale de la pensée et de l'expérience. Il ne peut être saisi empiriquement, puisque c'est le point de source premier, la condition de la pensée et de l'expérience. Le sujet n'a pas de contenu et il est toujours identique à lui-même. La connaissance empirique de l'homme concerne nécessairement autre chose que le sujet. « Par ce "Je", ou cet "Il" ou ce "Cela" (la chose) qui pense, rien d’autre n’est représenté qu’un sujet transcendantal des pensées = x, que nous connaissons seulement par les pensées qui sont ses prédicats » (Critique de la raison pure, Paris, PUF, 1985, p. 281).

Dans le Tractatus Logico-Philosophicus (1921), Wittgenstein aborde le sujet à partir d’un point de vue logique et épistémologique. La proposition clé est la 5.631 : « Le sujet n'appartient pas au monde, mais il est une limite du monde ». Et un peu plus loin (5.632) : « Il n'y a donc pas de sujet pensant, de sujet représentant ». On peut y voir une continuation de l'idée que si le sujet est la condition transcendantale de la pensée et de la représentation, il n'est pas un objet du monde. Il n'a pas de fondement ontologique.

Une définition unifiée du sujet est impossible, car le terme cumule trop de sens différents et contradictoires. C'est pourquoi il paraît sage de référer le terme de « sujet » aux doctrines qui s'en réclament (cartésianisme, kantisme).