Parution : Laudan Larry, Science et relativisme : Quelques controverses clefs en philosophie des sciences, Éditions Matériologiques, 2016.
La traduction en français de Science et relativisme : Quelques controverses clefs en philosophie des sciences de Larry Laudanpar Michel Dufour, avec une préface de Pascal Engel, donne l'occasion d'une réflexion sur la persistance du relativisme épistémologique.
Dans son introduction, Larry Laudan, note que, pour la plupart des non-spécialistes, « le positivisme fut détrôné au début des années 1960 et remplacé par ce qui a été unanimement appelé la philosophie des sciences post-positivistes », qui rendrait problématiques des notions telles que progrès, objectivité et rationalité et même validerait un relativisme radical en matière de connaissance (relativisme épistémologique).
Ce constat pose le problème des formes de pensées présentes à une époque donnée, de leur diffusion, de leur prévalence. Ainsi, le relativisme culturel et épistémologique a largement diffusé dans la « post-modernité » pour des causes diverses - qui ne sont certainement pas de bonnes raisons ! Face à cela, l'auteur propose une contre-argumentation.
Malheureusement, Larry Laudan rate son but. Le livre est fastidieux, même pour quelqu'un qui est intéressé par la philosophie des sciences. Pour ce qui est des « non-spécialistes » (auquel il s'adresse explicitement), je doute qu'ils poursuivent longtemps la lecture. L'ouvrage comporte de longues discussions censées « capturer la complexité de la dialectique » entre philosophies des sciences de différentes obédiences, ce qui, au vu des incertitudes, conduit le lecteur à un scepticisme dubitatif. Cela ne contribuera pas à « saper l’attrait, malheureusement peu démenti par les années, exercé par le relativisme épistémologique sur une partie notable des milieux intellectuels ».
«Sous prétexte que la connaissance scientifique serait relative à des contextes (politiques, idéologiques, linguistiques, culturels, etc.), elle ne serait guère assurée et sans préséance sur tout autre système de pensée. Pour prendre un exemple célèbre, la science ne vaudrait pas mieux que la sorcellerie […] ».
Prétexte, en effet, car la relativité à des contextes (politiques, idéologiques, linguistiques, culturels, etc.) ne veut pas dire qu'elle n'y ait pas de critères de validité qui rendent la science préférable à la sorcellerie ou à la religion. La science n'est pas une croyance parmi d’autres et le prétendre c'est participer aux mensonges de la post-vérité. Nous défendons résolument une approche relativisée du savoir (mise en rapport avec à son contexte épistémique, qui indispensable pour en juger vraiment, mais cela n'entraine pas un relativisme. À toute époque et en fonction des possibilités offertes les auteur ont pu produire un savoir le plus adéquat possible. On doit le restituer au mieux. Mais on est aussi en droit de juger de sa validité au vu des savoirs actuels et selon des critères de justesse ou de fausseté des raisonnements. Relativiser n'implique pas un relativisme sceptique !
La charge menée contre l'abord scientifique du monde, pour mieux y substituer diverses croyances, s'appuie sur le relativisme épistémologique de certains auteurs comme Paul Feyerabend, Richard Rorty, Bruno Latour. Cette charge antiscientifique participe du mouvement de sape (de déconstruction) tenace et de grande ampleur qui caractérise la post-modernité. Si on veut s'y opposer, il faut des arguments forts, nets, et compréhensibles par tous ; il faudrait surtout un système éducatif qui transmette et fasse comprendre largement ce qu'est la démarche scientifique avec son intérêt et ses limites.
L'introduction du livre de Larry Laudan est en accès libre : http://excerpts.numilog.com/books/9782373611311.pdf