La Methodenstreit (la Querelle des méthodes) a eu lieu à la fin du XIXe siècle dans les pays germanophones. Elle a concerné l’histoire et l’économie, puis la psychologie et la sociologie. L'abord philosophique traditionnel de ces disciplines est délaissé pour une approche qui se veut scientifique, mais du point de vue positiviste cela demande un changement de méthode. La vision hégélienne selon laquelle l’histoire serait la réalisation de l’Esprit fait face à un fort courant matérialiste. Dans le même temps, l’influence croissante des sciences positives, remet en cause le prima des « humanités » dans les Universités germanophones.

On peut situer le départ de la querelle lorsque, vers 1850, l’historien Johann Gustav Droysen Droysen a avancé, l’opposition entre deux méthodes en histoire, l’une consistant à expliquer (erklären) et l’autre à comprendre (verstehen). Ensuite, elle a opposé les économistes de l'école allemande et ceux de l'école autrichienne, puis elle s’est étendue à la sociologie naissante. Il va en résulter un partage entre des sciences qui seraient de la nature (Naturwischenschaften) et d’autres qui seraient de l’esprit ou de la culture (Geistwischenschaften, Kulturwishenschaften).

Les sciences de la nature sont généralisantes, elles expliquent par des causes ou des lois universelles, elles sont objectivantes, car elles mettent en évidence des faits constatables par tous. Ce sont les sciences du type physique, chimie, biologie, qui se développent fortement à la fin du XIXe et début du XXe siècle.

Les sciences de la culture/esprit sont particularisantes, elles comprennent le sens des situations, retracent des généalogies. Elles sont subjectives, visant les intentions, les représentations, les données de la conscience. L’environnement culturel humain ne peut être abordé que par la compréhension de sa signification. Un autre argument pour les distinguer serait l’indétermination introduite par les décisions humaines prises grâce l’exercice d’une réflexion autonome.

Cette partition simple est contestée de diverses manières.

Une dissension se produit à l’intérieur des disciplines situées du côté de l’esprit/culture. Pour certains, ces savoirs portant sur l’histoire, la psychologie, les différentes cultures, etc., pourrait être des connaissances positives et devenir des sciences de la nature. Les représentations pourraient être objectivées et jouer un rôle causal.

Les partisans d’un abord subjectif et particulier accusent les autres de rater ce qui est intéressant, de réduire et dénaturer l’esprit et la culture, d’appauvrir les données en appliquant une méthode inappropriée. Les partisans d’une spécificité radicale des « sciences de la culture » prennent le risque d’une exclusion de ces disciplines du concert des sciences. Elles seraient alors situées, au mieux, du côté de la littérature de la philosophie, au pire, du côté des savoirs populaires trompeurs.

Il y a une troisième voie qui demande de renoncer au dualisme initial et à la bipartition des savoirs en admettant des méthodes et objets propres pour les sciences de l’homme et de la société. Associer représentations et causes, chercher des lois générales ou des modèles explicatifs, sans renoncer, ni au sens, ni à la diversité des manifestations concrètes, semble possible, mais reste le sujet d’âpres discussions en ce début de XXIe siècle.