Open access, libre accès, science ouverte

 

Le libre accès (Open access), c'est-à-dire la disponibilité en ligne de contenus, sans contrainte juridique ou financière, date des années 1980. Il a pris différentes formes. L'ouverture de la recherche scientifique au libre accès est devenue un enjeu défendu en Europe à partir du début du XXIe siècle.

 

Pour citer cet article : 

Juignet, Patrick. Open access, libre accès, science ouverte. Philosophie, science et société. 2022. https://philosciences.com/open-access-libre-acces-science-ouverte.

 

Plan de l'article :


  • 1. Les principes du libre accès
  • 2. Considérations légales
  • 3. Les (très) diverses utilisations du Web en libre accès
  • 4. L'intérêt du libre accès et ses limites
  • Conclusion : une liberté à défendre

 

Texte intégral :

1. Les principes du libre accès

Au départ, une conséquence d'internet.

Le libre accès (en anglais : open access), c'est la disponibilité en ligne de contenus numériques mis à disposition sans contrainte juridique, financière ou autre. Au départ, il s'agissait simplement du partage de logiciels, puis cela s'est étendu à toutes sortes de contenus : scientifiques, philosophiques, économiques, administratifs, etc. Concernant les données administratives, on parle alors d'Open Data : accès ouvert aux données économiques, législatives et administratives pour la société civile.

Le World Wide Web (www) est constitué par les contenus rendus accessibles grâce au système d'un internet globalisé. Le Web permet de consulter, avec un navigateur, des pages informatisées accessibles sur des sites web créés par des personnes, des associations, des institutions ou des États. Le web en libre accès offre à tous ceux qui le souhaitent la possibilité de consulter ou de proposer librement des contenus.

Ces aspects techniques récents (Internet et le Web), s'ils ne sont pas censurés ni détournés (s'ils sont en libre accès), permettent d'envisager une société transparente et ouverte dans laquelle tous les citoyens intéressés peuvent accéder à l'information qui les concerne. C'est un idéal social que de donner à tous l'accès au savoir et il semble pouvoir se réaliser, au moins en partie, grâce à la puissance de diffusion du Web.

Libre accès et esprit des Lumières

Grâce au Web, c'est la première fois dans l'histoire de l'humanité que la diffusion des savoirs est possible à grande échelle. Il se réalise ainsi l'une des ambitions de la philosophie des Lumières du XVIIIe siècle européen, celle de la propagation du savoir pour sortir de l'obscurantisme.

L'Encyclopédie, ouvrage immense pour l'époque, incarna cette ambition. Tout commença en 1745, quand le libraire-éditeur Le Breton entreprit de publier une version française du dictionnaire de l'anglais Chambers. Deux ans plus tard, le philosophe Diderot et le mathématicien d'Alembert (1717-1783) devenaient codirecteurs du projet et lui donnaient une ampleur considérable.

Diderot s'explique précisément dans l'article « Encyclopédie » :

« Le but d'une Encyclopédie est de rassembler les connaissances éparses sur la surface de la terre ; d'en exposer le système général aux hommes avec qui nous vivons, et de les transmettre aux hommes qui viendront après nous ; afin que les travaux des siècles passés n'aient pas été des travaux inutiles pour les siècles qui succéderont ; que nos neveux, devenant plus instruits, deviennent en même temps plus vertueux et plus heureux, et que nous ne mourions pas sans avoir bien mérité du genre humain ».

Cette mission éducative est réalisable au-delà de toute espérance par le web.

L’Encyclopédie répond au souhait de Denis Diderot de « changer la façon commune de penser » et à son vœu exprimé quelques années avant dans Pensées sur l’interprétation de la nature : « hâtons-nous de rendre la philosophie populaire ! ».

Au XXe siècle, Robert Merton, dans un célèbre texte sur la science et la démocratie, a avancé en 1942, l'idée que la science doit diffuser ses savoirs vers la société pour que tout citoyen puisse acquérir des connaissances qui lui permettent de réfléchir et de décider en homme libre face à l'autorité. Il donne comme principale justification de ce partage le fait que les résultats scientifiques ne peuvent faire l'objet d'une appropriation par ceux qui les produisent. La science est cumulative. Une génération de chercheurs ne fait qu'augmenter un corpus déjà là et qu'elle passera ensuite à la génération suivante. Les résultats de recherches doivent être reversés dans un fond commun qui progresse au fil du temps.

Patrice Bertrand, président de l’Open World Forum 2012 rappelait dans un article de La Tribune que :

« À certains égards, l’open source est un mouvement humaniste. Il considère que le logiciel est, à la manière de la connaissance scientifique, une forme de patrimoine de l’humanité, un bien commun que nous enrichissons collectivement, pour le bien-être de tous ».

Libre accès et évolution sociale

À ce sujet, nous reproduisons un texte d'André Gorz, datant de septembre 2007 :

« Ce qui importe pour le moment, c’est que la principale force productive et la principale source de rentes tombent progressivement dans le domaine public et tendent vers la gratuité ; que la propriété privée des moyens de production et donc le monopole de l’offre deviennent progressivement impossibles ; que par conséquent l’emprise du capital sur la consommation se relâche et que celle-ci peut tendre à s’émanciper de l’offre marchande. ... La lutte engagée entre les logiciels propriétaires et les logiciels libres (libre, free, est aussi l’équivalent anglais de gratuit) a été le coup d’envoi du conflit central de l’époque.... ».

Mais, ceci ne peut être suffisant pour provoquer un changement, c'est une petite enclave dans le système marchand généralisé, une petite part de liberté et de gratuité qui n'influence pas le mouvement général.

« L'informatique et la Toile permettent, dans une large mesure, une circulation libre d'informations, de connaissances, de productions culturelles, ainsi que la constitution coopérative et gratuite de logiciels et de sites mettant à la disposition de tous un savoir encyclopédique ou spécialisé », écrit Jérôme Baschet (2014).

Il y a là la possibilité d'un espace social libéré de la marchandisation et des enjeux de pouvoir.

Libre accès et science ouverte

Les deux termes se sont rencontrés au début de XXIe siècle. Le libre accès aux publications scientifiques est un aspect important de l'ouverture de la science. Le mouvement pour la science ouverte est né des actions militantes de chercheurs et bibliothécaires avant de prendre un aspect plus institutionnel.

Le mouvement s'est développé dans les années 90, afin de donner un accès gratuit aux publications scientifiques. Il a pris une ampleur internationale avec les déclarations de Budapest et de Berlin. Il est aujourd'hui porté par les établissements d’enseignement supérieur, de recherche et par le législateur (voir le § Aspects juridiques).

Au sujet de la science ouverte, on peut écouter Jean Chambaz, Président de Sorbonne Université et de l'Alliance Sorbonne Université (2018-2021) :

« La science ouverte est une question essentielle aujourd'hui. On voit les transformations du monde, les transformations de la société qui appellent des solutions nouvelles, difficiles ; qui appellent à bien comprendre ce qu'est un fait, une réalité complexe, ce qui est une opinion ou ce qui est une croyance. On a à lutter contre les fake news, on a à lutter contre les théories complotistes, donc on a à développer l'esprit critique. Et pour ça, il faut encore plus qu'avant, et c'est une responsabilité sociale majeure des universités, mettre à disposition des citoyens les outils critiques pour faire leur choix politique [et] repositionner le mouvement de la connaissance et la recherche sur une ligne plus sereine et plus productive » (Fun Mooc. Science ouverte. 2022.).

Libre accès et communautés collaboratives

Le libre accès permet, de fait, à des communautés collaboratives de se constituer, de se défaire, de se reconstituer. À un moment donné et sans concertation, des milliers d'internautes s'intéressant au même problème se connectent et échangent des opinions, des connaissances. Ils collaborent, de fait, à une pensée collective. Des communautés plus stables peuvent s'organiser par les liens constants et planifier des tâches communes. D'autres se constituent en vue de l'échange de biens (covoiturage, échange d'appartement, vente sans intermédiaires).

Une définition idéale du libre accès sur le web

Nous définirons cet idéal du libre accès par quatre termes : gratuité, laïcité, neutralité, anonymat. Un idéal bien difficile à mettre en œuvre !

  • La gratuité constitue la spécificité du lien humain (qui n'est pas seulement sous-tendu par la nécessité, l'intérêt et le profit). La gratuité restaure un peu d'humanisme dans un monde dominé le pouvoir et le profit.
  • L'indépendance religieuse et politique, car le libre accès doit donner les moyens à chacun d'une réflexion libre et argumentée.
  • La neutralité et l'honnêteté pour que les données ne soient pas biaisées pour manipuler l'opinion des utilisateurs.
  • L'anonymat pour éviter que les utilisateurs ne soient pistés et fichés lors de leur navigation sur le web pour des raisons commerciales ou politiques.

Le cadre ainsi défini permettrait à tout un chacun d'avoir accès au savoir ou à des services. La démocratisation du savoir est une ambition sociale et politique importante. Grâce au Web et à sa large diffusion par internet, la connaissance se diffuse effectivement, ce qui évite qu'elle soit confisquée ou réservée à une caste. Philosophie, science et société se situe dans cet idéal du libre accès. La revue est accessible à tous gratuitement, elle ne réalise aucun profit, sa consultation est anonyme.

Le problème du financement

L'hébergement et la fabrication des contenus demandent toujours un financement et il est parfois important. Le libre accès internet est soit financé à titre personnel, soit financé par des institutions de recherche et d'enseignement, soit par des associations privées, ou par le commerce indirect. Dans ce dernier cas, la gratuité n'est qu'apparente, car la mise à disposition sert à générer un profit.

2. Considérations légales

Le cadre juridique général reste valable.

Le droit d'auteur en France est régi par la loi du 11 mars 1957 et la loi du 3 juillet 1985 inscrites au Code de la propriété intellectuelle. La loi reconnaît comme auteur toute personne physique qui crée une œuvre de l'esprit. Le droit d'auteur couvre toutes les créations, dès lors qu'elles sont matérialisées, originales et qu'elles sont l'expression de la personnalité de l'auteur. D'après les articles L.111-1 et L.123-1 du Code de la propriété intellectuelle, l'auteur d'une œuvre jouit d'un droit de propriété exclusif dès sa création, sans nécessité d'accomplissement de formalités (dépôt ou enregistrement). La mise en libres accès ne rompt pas ce droit. 

Le terme copyright correspond au droit d'auteur dans la loi américaine. Le symbole © est autorisé en France dans la mesure où il s'applique à toute œuvre soumise au droit d'auteur. Les mentions Copyright, © et Tous droits réservés (si © inconnu) jouent un rôle informatif vis-à-vis du public.

L'Institut National de la Propriété Industrielle protège à la fois la propriété industrielle et la propriété littéraire et artistique regroupées dans la protection intellectuelle. Il enregistre une marque, un dessin ou un modèle et, après examen, les publie aux Bulletins officiels de la propriété industrielle correspondants. Il peut servir à protéger les contenus mis en libre accès.

La juridiction sur les droits d'auteur a une double face : elle protège à juste titre les auteurs, mais elle empêche aussi la libre diffusion, car les droits sont souvent concédés à des éditeurs. Les éditeurs exigent que les auteurs leur transfèrent leurs droits d'auteur comme condition de publication. Le transfert de propriété d'un droit d'auteur à un éditeur empêchera l'auteur de diffuser l'œuvre à l'avenir (à moins d'une convention particulière permettant d'utiliser l'œuvre à certaines fins, telles que l'enseignement, la recherche ou d'autres activités éducatives à but non lucratif).

Les nouveautés juridiques pour la science ouverte

Archive ouverte

En 2016, l'article 30 de la Loi pour une République numérique donne le droit aux chercheurs de France de diffuser leurs articles dans une archive ouverte. Depuis la loi Axelle Lemaire dite « pour une République numérique » du 7 octobre 2016, la notion de « barrière mobile » s'applique aux publications périodiques. Il s'agit là de la mise en ligne des revues en libre accès (open access, c'est-à-dire téléchargement gratuit) 6 mois après la parution pour les sciences dures et de 12 mois pour les sciences humaines.

Cette « barrière mobile » met fin à la propriété intellectuelle au sens où l’entend le Code de la propriété intellectuelle. Les publications sont donc accessibles au public après un embargo de 6 mois au maximum (12 mois en Sciences Humaines et Sociales) après leur acceptation par l’éditeur. Le programme européen Horizon 2020 comporte l’obligation d’assurer le libre accès aux publications issues des recherches qu’il aura contribué à financer. Voir ici pour plus de détails sur l'article 30 de la loi pour une République numérique

En 2018, est lancé en France le Plan national pour la science ouverte : les résultats de la recherche scientifique ouverts à tous, sans entrave, sans délai, sans paiement.

Revues en open access

Les articles publiés dans des revues en open access sont immédiatement accessibles sur internet. Dans certains cas, le coût est assumé par les auteurs sous forme d’un APC (Article Processing Charge). Du coup, certaines revues permettent dorénavant à un auteur de conserver les droits sur tous les brouillons de pré-publication de son travail, ce qui permet à l'auteur de publier une version de son travail sur le web. Selon Sherpa, organisme qui suit l'approche des éditeurs de revues en matière de droit d'auteur, 90 % des revues autorisent le téléchargement de la pré-impression ou de la post-impression des articles.

Au-delà du juridique, le libre accès par internet est d'abord une tendance idéologique existant depuis une vingtaine d'années qui vise à libéraliser la diffusion des contenus transmissibles par le web.

3. Les (très) diverses utilisations du Web en libre accès

Les logiciels libres

Le logiciel libre a été créé par Richard Matthew Stallman qui estime, dans les années 1980, que les programmes informatiques doivent être librement utilisés, analysés et modifiés. À la fin des années 1990, l’appellation « open source » se substitue à celle du logiciel libre pour désigner les programmes réalisés collectivement, de manière décentralisée et dont le code source est disponible et modifiable, créant ainsi de nouveaux logiciels et des applications originales.

Il existe de nombreux logiciels libres dans divers domaines. Ils sont gratuits et, pour certains, modifiables. L'ancêtre est le système d'exploitation Linux, créé en 1991 par Linus Torvalds. On trouve une multitude de logiciels gratuits dont les suites bureautiques Open office et Libre office ou des logiciels de composition de pages web, ou encore les logiciels de contenu web comme Joomla ou Wordpress, ou enfin les diverses applications offertes par la fondation Mozilla.

Les encyclopédies du web

Des logiciels, on est passé aux contenus informatifs. Wikipédia est l'exemple phare d'un contenu dont l'accès est libre. Son fondateur, Jimmy Walesen l'a défini ainsi :

« Pas de pub. Pas de bénéfice. Pas de stratégie ... Wikipédia n'est en rien un site commercial. C'est une création communautaire, écrite par des bénévoles, rédigeant un article après l'autre. Vous faites partie de cette communauté. Ensemble nous pouvons garder Wikipédia gratuite et sans publicité. ... Nous pouvons la garder libre (vous pouvez utiliser l'information contenue dans Wikipédia de la manière qui vous plaît). Nous pouvons la faire croître, disséminant la connaissance partout et invitant chacun à participer ».

Un libre accès à l'enseignement

Le projet Open Education œuvre au développement de ressources éducatives libres. Selon l’Unesco, ces ressources incluent les « matériaux d’enseignement, d’apprentissage ou de recherche appartenant au domaine public ou publiés avec une licence de propriété intellectuelle permettant leur utilisation, adaptation et distribution à titre gratuit ».

Ce terme anglais MOOC signifie « massive open online courses » (traduction : cours en ligne ouverts à tous). S'ils sont gratuits pour les utilisateurs, c'est-à-dire financés par des institutions comme les Universités, ils sont alors un formidable outil de diffusion de la connaissance. Les Moocs s’inscrivent dans une dynamique d’ouverture sur un large public. La plateforme FUN (France université numérique) laisse la possibilité aux enseignants de créer des cours mis en ligne sur sa plateforme.

De multiples plateformes comme EdX, Coursera ou FutureLearn proposent des formations en ligne, mais avec des contenus payants, certains étant accessibles gratuitement.

Les sites, les blogs, les associations

Les sites et blogs sont innombrables. Ce sont toutes les initiatives de blogs et de sites apportant de l'information dans les domaines les plus divers. Depuis 2010, le web est devenu plus simple d'utilisation. Il y a là une pépinière de connaissances comme jamais cela n'a existé dans l'histoire de l’humanité.

Issue du monde éducatif et désormais tournée vers l’éducation populaire, l’association Framasoft est avant tout un réseau de projets, dont le premier, l’annuaire Framalibre, remonte à 2001. Ces projets sont animés par des personnes collaborant autour d’une même volonté : promouvoir les libertés numériques. Le respect des libertés fondamentales des utilisatrices et utilisateurs, garanties par des contrats légaux (les licences libres), est au cœur du mouvement libriste et permet de s’assurer que l’humain reste en maîtrise de l’outil numérique.

Le but de Framasoft est de proposer, principalement en ligne, un ensemble d’outils concrets et pratiques visant à faciliter l’adoption :

  • de logiciels libres (annuaire, clés USB, installateur…) ;
  • de créations culturelles libres (blog, traduction, maison d’édition…) ;
  • de services libres (plus de 30 dans le projet Dégooglisons Internet).

 Le site CLibre facilite l'adoption du tout ce qui est libre auprès du grand public ( Logiciels libres, Infos sur le libre, Acteurs du libre, Ressources Libre en ligne) :  https://clibre.eu/

Des débats régulés

Le site Wikidébats est une courageuse tentative pour canaliser et organiser des débats. Vous souhaitez vous faire un avis sur un sujet, vous cherchez à connaître les différents arguments, sans passer des heures à les rechercher ? Wikidébats sert à cela. C'est une encyclopédie de débats, c'est-à-dire des pages interactives dédiées à un sujet qui synthétisent les arguments « pour » et « contre ». L'objectif premier du site est de servir à l'élaboration d'opinions éclairées et rationnellement fondées. Ce site est administré par l'association Le Laboratoire du débat méthodique, indépendante de tout mouvement politique ou religieux et composée de citoyens de différents horizons.

Wikidébats : https://fr.wikidebates.org/

Les publications scientifiques universitaires

Sci-hub (ou Scihub) est un moteur de recherche pour les articles scientifiques qui contourne les paywalls (« péages ») classiques des éditeurs privés. Le site a été attaqué en justice en juin 2015 par l'éditeur Elsevier. Sci-Hub étant hébergé à Saint-Pétersbourg en Russie, le système judiciaire américain n'a aucune autorité dans ce dossier. Malgré la fermeture du site original ordonnée par un tribunal de New York le 28 octobre 2015, le site est toujours accessible.

En France, OpenEdition est un portail de publication en sciences humaines et sociales créé par le Centre pour l'édition électronique ouverte. C'est une initiative publique travaillant en faveur de l'accès ouvert aux résultats de la recherche scientifique. Ce portail comprend quatre plateformes :

  • Revues.org : créé par Marin Dacos en 1999, qui met en ligne des centaines de revues en Sciences humaines et sociales.
  • Calenda (portail) : créé par Marin Dacos en 2000, il publie des annonces d'événements scientifiques : colloques, journées d'études, séminaires, ainsi que des offres d'emploi et des appels à contribution. Il est dirigé par Delphine Cavallo.
  • Hypothèses.org : créé en 2008, c'est une plateforme de blogging scientifique. Les chercheurs y créent des « carnets de recherches » dans lesquels ils font état des avancées de leurs recherches.
  • OpenEdition Books : créé en 2013, c'est une plateforme de publication de livres dont au moins 50 % sont en accès ouvert.

Les quatre plateformes disposent de conseils scientifiques qui sélectionnent les publications afin d'assurer une qualité scientifique à l'ensemble.

Les revues en libre accès faisant l’objet d’une expertise par les pairs (peer review) sont identifiables sur le directoire DOAJ (Directory of Open Access Journals).
Les articles paraissant dans des revues « traditionnelles » sont accessibles librement après la période d’embargo définie par la loi. Des plateformes pluridisciplinaires telles que ArXiv, HAL (Hyper Articles en Ligne) ou bioRxiv permettent le dépôt en ligne d’articles et de divers manuscrits scientifiques (thèses, communications à des congrès, articles de revue dans leur version prépublication ou finale). La publication des thèses sur HAL est fortement recommandée, car elle fournit un archivage et un référencement utile pour l’évolution de la carrière du jeune docteur ou du chercheur. HAL répond aussi aux exigences du programme Horizon 2020.

Dernière évolution, le Centre pour la Communication Scientifique Directe est au service de la communauté des chercheurs et de leur environnement institutionnel (organismes de recherche, universités). Sa mission principale est de fournir, dans l’esprit du libre accès, des outils pour l’archivage, la diffusion et la valorisation des publications et des données scientifiques.

Le CCSD a créé, développe et administre l’archive ouverte HAL, la plateforme de gestion de colloques SciencesConf.org et celle de gestion d’épi-revues Episciences.org. Il s’inscrit dans un réseau de partenaires nationaux et internationaux, acteurs et opérateurs de l’information scientifique et technique. Créé par le CNRS en 2000, le CCSD est devenu unité d’appui et de recherche (UAR3668) réunissant INRIA et l’INRAE. Il est un acteur majeur de la politique nationale en faveur du libre accès.  https://www.ccsd.cnrs.fr/

Citons aussi :

  • L’Open Access pour la recherche universitaire en France (http://openaccess.inist.fr/) a été remplacé par Ouvrir la Science, le site du Comité pour la science ouverte (CoSO), lancé début décembre 2018.
  • La science ouverte : un comité de pilotage pour la science ouverte a été mis en place par le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation.

    Pour en savoir plus, visitez le site Ouvrirlascience.fr

  • La Public Library of Science (PLoS) dans le domaine de la biologie, de la médecine et la bio-informatique.
  • Le SCOAP3 (Sponsoring Consortium for Open Access Publishing in Particle Physics) s'inscrit, lui aussi, dans le mouvement général du libre accès (Open Access).

Pour des informations récentes sur les diverses possibilités en sciences : https://coop-ist.cirad.fr/

Les alertes et pétitions

www.change.org est un exemple d'utilisation du libre accès pour diffuser des pétitions à grande échelle.

Le jeu démocratique

Le gouvernement français a mis en débat public un projet de loi par l’intermédiaire du web en septembre 2015. C'est probablement une première mondiale. Il s'agit du projet de loi pour une République numérique qui a été rendu accessible à tous et ouvert à la discussion pour 3 semaines. Grâce au web, la transparence et la participation des citoyens sont techniquement possibles. Nous avons là une vraie révolution qui pourrait s'amorcer : la participation de tous les citoyens (disposés à le faire) à la vie politique du pays.

Tous les pays européens souffrent d'un déficit démocratique à cause du système représentatif qui promeut des professionnels de la politique quasi-fonctionnaires de plus en plus éloignés des citoyens. Ce déficit vient aussi du fait de la puissance des oligarques contrôlant les médias et de l'action des lobbys. L'utilisation du Web en libre accès à des fins de consultation politique est une manière de rétablir un équilibre en faveur des citoyens.

4. L'intérêt du libre accès et ses limites

Un but altruiste et de transparence

Fruit de la société civile dans les pays démocratiques, le libre accès à l'information via internet est une émergence citoyenne porteuse d'espoir. De très nombreuses personnes y participent en mettant spontanément en ligne leurs connaissances. Aucun appareil de pouvoir n'y a vraiment intérêt, qu'il soit corporatiste, religieux ou étatique. En particulier, les États autoritaires se sentent menacés lorsque le libre accès permet la diffusion d'informations sur le fonctionnement politique. L'accès au savoir contribue à l'égalité, et tout appareil de pouvoir hiérarchisé utilise l'ignorance pour se maintenir. En ce qui concerne la recherche scientifique, le libre accès serait nécessaire pour éviter la captation des fonds publics par les industriels de l'édition.

La gratuité, en ces temps de cynisme commercial, est une valeur antidote qui ré-humanise nos sociétés et leur donne un caractère plus fraternel. La gratuité est un enjeu important sur le plan de la transmission du savoir, car elle seule permet un accès réellement facile et démocratique.

Il commence à se former des associations de défense comme La Quadrature du Net qui est une organisation luttant pour les droits et libertés des citoyens sur Internet. Elle promeut une adaptation de la législation française et européenne qui soit fidèle aux valeurs qui ont présidé au développement d'Internet, notamment la libre circulation de la connaissance. Le « Parti Pirate » a pour credo la défense de la liberté sur internet. Son programme, par rapport à l'Internet, est le suivant : Préserver le droit à l’anonymat et au « pseudonymat ». Reconnaître l’accès à Internet comme un droit fondamental. Reconnaître au citoyen les mêmes droits sur Internet qu’ailleurs. (Protéger l’internaute contre le refus de vente afin d'éviter les abus des intermédiaires, interdire les fermetures arbitraires de comptes, la suspension de l’hébergement ou de nom de domaine, la suppression arbitraire de fichiers, l'effacement arbitraire de publications sur une plateforme de communication. Imposer des garanties contre l’interruption de service. Permettre d’exercer des exceptions au droit d’auteur).

Les limites et inconvénients

L'accès potentiellement illimité est concrètement limité par la langue utilisée, par la censure de quelques États, mais aussi et surtout par la culture et la disponibilité individuelle. La réalisation concrète du libre accès s'inscrit toujours dans un contexte politique, technique, institutionnel et commercial préexistant qui le contraint. Le libre accès peut être utilisé pour des fins commerciales (faire acheter, détourner une clientèle), à des fins politiques (pour endoctriner), ou religieuses (convertir, voire pour fanatiser). Des informations modifiées (falsifiées, interprétées, dont on ne connaît pas la source) peuvent être facilement diffusées afin de tromper et de manipuler l'opinion. La divulgation massive de rumeurs, de fausses nouvelles (fakes news), des thèses délirantes (complotistes, sectaires, paranoïaques, etc.), a jeté une ombre sur le web. 

Faute de culture, de temps, de capacité critique, certaines personnes peuvent se limiter à une source d’information unique et mal intentionnée et elles peuvent ainsi être trompées et manipulées. Le formidable instrument d'émancipation qu'est le web peut être détourné à des fins d'asservissement politique ou religieux. De plus, la mise en ligne directe et immédiate fait disparaître la validation collégiale par les pairs, ce qui présente parfois l'avantage d'éviter un rejet inconsidéré, mais aussi l'inconvénient d'un manque de critique. 

Espionnage généralisé

Google jouit en Europe et en Inde d’une position dominante (environ 90 %) et moindre aux États-Unis (78 %), En Chine et en Russie, ce sont respectivement Baidu et Yandex qui sont utilisés. Ces moteurs, comme Google, Baidu et Yandex, enregistrent nos données personnelles et les traces de nos requêtes sur le web. Ils transmettent des informations aux services de renseignement des pays concernés, si besoin (USA, Chine, Russie). Certains états dictatoriaux ferment leur espace internet au reste du monde et inondent les réseaux sociaux de fausses informations (entreprises spécialisées dites « usine à trolls »).

L’usage de ce pistage mondial et généralisé est d’abord commercial, mais il est aussi politique et policier. La liberté du web est toute relative. Pour échapper à cet espionnage systématique, il existe des moteurs de recherche anonymisés qui sont des instruments de protection des citoyens, mais également de souveraineté nationale.

Lancé en 2013, Qwant est un moteur de recherche développé en France offrant une solution alternative. Rappelons qu'il existe d'autres moteurs encore plus discrets comme DuckDuckGo, Startpage ou Disconnect. On peut aussi passer par l’intermédiaire du réseau Tor. Le réseau Tor est un groupe de serveurs exploités par des bénévoles qui permet aux utilisateurs des connections privées et sécurisées sur Internet.

C'est un outil de contournement de la censure permettant d’atteindre des contenus bloqués. Il permet de publier des sites Web et d'autres services sans révéler l'emplacement du site. Les journalistes utilisent Tor pour communiquer avec les lanceurs d'alerte et les dissidents de même que les organisations non gouvernementales pour permettre à leurs employés de se connecter discrètement.

Conclusion : une liberté à défendre

Globalement, le web en libre accès est un formidable outil de formation et d'échange. Touchant des centaines de millions de personnes, il a une puissance de diffusion comme il n'en a jamais existé dans l'histoire de l'humanité. La liberté d'accès au web, comme toute liberté, est sans cesse menacée par le pouvoir politique, par l'exploitation économique, par la volonté d'endoctrinement idéologique et religieux et par son utilisation pour véhiculer des convictions absurdes et nocives.

 

Webographie complémentaire :

http://fr.wikipedia.org/wiki/Wikip%C3%A9dia:Principes_fondateurs

http://www.pearltrees.com/missionticeparis/ressources-libres/id14208404

https://www.youtube.com/watch?v=WnxqoP-c0ZE

Jacqmin, Julien. Les ressources éducatives libres, un enjeu d’avenir, The conversation, 2021, https://theconversation.com/les-ressources-educatives-libres-un-enjeu-davenir-170153.

 

L'auteur :

Juignet Patrick