Délimiter des périodes, en matière d’histoire des idées et d’histoire des sciences, ne se réduit pas à un simple repérage temporel utile. Il s’agit, au travers du temps, de noter des manières de penser différentes et spécifiques.

Délimiter une période impose de mettre en évidence les traits qui la caractérisent et qui permettent de la différencier d’une autre. De plus, il faut identifier la façon dont le passage d’une période à une autre s’opère, la manière dont se produit le changement. Il peut être rapide (on parle alors de rupture, de révolution) ou progressif (on parle de continuité, de transition, de transformation) ; quelle qu'en soit la modalité, une évolution est nécessaire pour instituer des différences.

La périodisation est importante. C’est une manière d’éviter des erreurs d’interprétation qui prêtent au passé ce qui appartient au présent. Par exemple, ce qu’on nomme « science » ne correspond pas à la même activité humaine, ni à la même approche du Monde (au sens de totalité), selon les époques. L’activité épistémologie historique doit se préoccuper de respecter les spécificités et de reconstituer les différences. Autre exemple, l'idée de Nature dénote une manière de considérer et d’habiter le Monde qui a fortement évolué au fil du temps et avec les changements civilisationnels.

L’Histoire générale des sciences (Paris 1966), dirigée par René Taton, distingue quatre périodes : la science antique et médiévale des origines à 1450, la science moderne de 1450 à 1800 et la science contemporaine de 1800 à nos jours. La seconde moitié du XVe siècle et le XVIe siècle correspondent à la Renaissance qui est considérée comme une époque de transition. Après celle-ci, débute au XVIIe siècle une époque marquée par le début de la science au sens actuel du terme avec Viète, Gilbert, Galilée, Kepler, Newton, Bacon, Harvey.

L'idée de paradigme avancée par Thomas Kuhn, qui a été depuis reprise et élargie, est une manière intéressante de noter les changements. Lors d'un changement de paradigme scientifique, des concepts nouveaux apparaissent, les vérités admises ne le sont plus, les méthodes évoluent, les conceptions ontologiques sous-jacentes se modifient. Plus largement, les changements de paradigme aboutissent à des « révolutions dans la vision du monde » (La structure des révolutions scientifiques, p. 157).

Autre exemple, la notion d'épistémè de Michel Foucault. Passé le Moyen Âge, Michel Foucault décrit trois épistémès en Occident : celle de la Renaissance, celle de l'Âge classique, et enfin l'épistémè moderne. Cette périodisation est fondée sur la cohérence des savoirs rapportée aux conditions épistémiques permettant de les constituer à la période concernée, conditions qui changeraient à la période suivante.