Science, opinion, croyance et idéologie

  

La distinction entre science et opinion est, depuis Gaston Bachelard, une question philosophique classique. On connaît sa formule célèbre « l'opinion pense mal, elle ne pense pas, elle traduit des besoins en connaissance ». L'opinion, lorsqu'elle est collective et largement partagée, forme une idéologie. Nous allons illustrer ce problème par le climato-scepticisme et le créationnisme.

 

Pour citer cet article :

Juignet, Patrick. Science, opinion, croyance et idéologie. Philosophie, science et société. 2015. https://philosciences.com/philosophie-science-opinion-et-ideologie.

 

Plan de l'article :


  1. La science contestée
  2. Les problèmes de la science et de sa divulgation
  3. La controverse sur le changement climatique (climato-scepticisme)
  4. La controverse entre créationnisme et évolutionnisme
  5. Postmodernité et déqualification de la science
  6. Falsification et rétention de l'information
  7. Les biais cognitifs ordinaires
  8. Conclusion

 

Texte intégral :

1. La science contestée

Dans notre XXIe siècle débutant, la contestation de la science est assez vive. Ce peut être à cause des retombées technologiques, comme l'utilisation d'organismes génétiquement modifiés, les nanotechnologies, l'utilisation de l'énergie atomique, les vaccinations, perçues comme des menaces pour la santé et l'environnement. Les contestations portent aussi sur des résultats d'études scientifiques qui paraissent à certains douteux ou inacceptables comme l'évolution des espèces (anti-darwinisme et fixisme), ou le réchauffement climatique (climato-scepticisme), la sphéricité de la Terre (platisme), l'utilité des vaccinations mouvement (anti-vaccination).

Le débat médiatisé sur ces sujets a provoqué une défiance du public vis-à-vis les scientifiques. Une partie de la population refuse les avis des « experts », terme lui-même entaché d'une certaine suspicion. Ainsi, contre l’avis de la médecine et des pouvoirs publics, les Français ont rechigné en 2013 à se faire vacciner contre la grippe A, dite H1N1. Nous nous retrouvons dans une situation où le public prend position vis-à-vis de certaines affirmations scientifiques.

Dans ces conditions, l'opinion devient une opinion de masse, commune à une grande partie de la population, une idéologie. Cette idéologie a des effets sur les comportements collectifs et, à ce titre, le problème philosophique de la démarcation entre science et idéologie est aussi un problème social. Nous allons voir deux exemples d'opinions de masse qui forment ainsi des idéologies. Mais, auparavant, voyons la différence et le rapport entre science et opinion.

L'opinion, individuelle et collective, ne se forge pas par un débat rationnel, mais sur un autre plan, celui d'une perception intuitive globale de la situation. Les opinions peuvent aussi bien être justes que parfaitement erronées. Elles sont fondées sur un sentiment global diffus qui peut être largement manipulé par les médias ou se générer de façon irrationnelle. De plus, elles sont l'objet d'une croyance, c'est-à-dire que la personne adhère à son opinion, elle y tient, la pense vraie, la soutient et la défend contre les opinions contraires.

La complexité des problèmes empêche de se faire une idée juste, à titre individuel, sur les controverses scientifiques difficiles et pointues. Nul ne peut étudier suffisamment, dans tous les domaines sur lesquels il a une opinion. Personne ne peut connaître les dernières recherches et contrôler les dires des experts. Les problèmes soulevés demandent souvent un savoir spécialisé et généralement une bonne expérience pratique pour être saisis dans leur complexité.

Dans les sciences appliquées dont il sera question ici, les problèmes soulevés n'ont rien de simple.  il existe la plupart du temps des rétroactions, des facteurs inconnus, des conséquences en cascade. En général, les conclusions scientifiques sont nuancées et assorties de probabilités.

« Depuis des décennies, la science est la cible d’attaques dès lors que ses découvertes touchent de puissants intérêts commerciaux. Des individus dans le déni de la science ou financés par des intérêts industriels déforment délibérément des preuves scientifiques afin de créer une fausse impression de controverse. Cette manufacture du doute a retardé des actions préventives et eu de graves conséquences pour la santé des populations et l’environnement ».

Cette tribune du Monde (05/12/2016) signée par une centaine de scientifiques internationaux montre que l'idéologie, si elle est parfois diffuse, est souvent précisément et directement créée pour protéger des intérêts.

2. Les problèmes de la science et de sa divulgation

La science (voir : Qu'est-ce que la science ?) n'est pas une affaire d'opinion, c'est une approche réaliste du Monde qui se donne des moyens spéciaux pour valider sa démarche et vérifier ses résultats. Cependant, divers facteurs compliquent singulièrement le problème, en particulier lors de la divulgation et de l'utilisation des résultats. Voyons-les successivement.

- Il se peut que les garanties scientifiques soient insuffisantes, car, dans le domaine concerné, la connaissance est insuffisamment avancée et elle produit des vues partielles ou fausses. Dans ce cas, on n'a pas affaire à une connaissance scientifique, mais préscientifique, qui ne présente pas de garanties de validité suffisantes.

- Les conclusions scientifiques peuvent être justes, mais elles peuvent être masquées et déformées à des fins politiques et sociales. Dans le cas d'une déformation volontaire de l'information, même un expert n'est pas toujours en mesure de porter un jugement fondé. Il lui manque les informations pertinentes pour porter un jugement, car celles-ci sont tronquées et filtrées par certaines autorités.

- Cas un peu différent du précédent, la connaissance elle-même peut être valide, mais les dérivés et les utilisations techniques de la connaissance scientifique peuvent être litigieux. Ces utilisations litigieuses, qui sont le fruit de décisions politiques, industrielles et économiques, ne sont pas directement liées à la connaissance. Cependant, si la recherche est portée par l'institution (privée ou publique) qui en fait usage, il est difficile de faire la part des choses.

La seule possibilité pour un vrai débat serait que la controverse scientifique soit protégée des influences politico-financières, puis exposée honnêtement et clairement aux citoyens. Or, ce n'est pas le cas. Il est donc bien difficile de se faire une idée argumentée et précise sur les problèmes posés par les sciences appliquées et la technoscience.

Pour expliciter ce qui se passe, on peut avancer l’idée du « problème des deux débats ». Pour tous les domaines des applications scientifiques et de la technoscience, il y a deux sphères de débats qui ne se recoupent que très peu : la sphère du débat public et celle du débat scientifique/technique. Chacune donne des tableaux bien différents de ce qui se passe. Les débats se poursuivent en parallèle selon des logiques différentes. Le débat public est pris dans les enjeux politiques et idéologiques et le débat technique dans les incertitudes scientifiques.

Nous allons voir deux controverses qui permettent d'illustrer ces propos.

3. La controverse sur le changement climatique (climato-scepticisme)

L'opinion, contrairement aux avis nuancés des scientifiques, est souvent tranchée. Elle est aussi reliée à des catégories sociologiques et politiques et en cela devient idéologie. Illustrons cela par un sondage sur le réchauffement climatique aux USA. On voit très nettement la différence d'opinion entre les démocrates et les républicains. Il est possible que les uns soient moins informés que les autres, mais il est certain que c'est aussi un choix délibéré en fonction d'intérêts économiques et politiques.

Pour expliquer ce choix, on peut se référer au fait que les premiers sont proches et soutenus par le lobby industriel et financier et les seconds beaucoup moins. À l'évidence, l'opinion sur le réchauffement climatique est façonnée par l'intérêt des uns et des autres. Dans la mesure où les deux opinions sont contraires, il y en a forcément une juste et une fausse, mais, elles ne peuvent se départager, car elles ne sont pas argumentées, mais motivées par des intérêts. D'où le fait généralement constaté que les débats n'amènent pas de changement d'opinion.

 

 

On pourrait penser que, si l'on amenait le débat sur le plan rationnel et scientifique, il pourrait s'éclaircir et évoluer. C'est certain, mais ce n'est pas ainsi que les choses se passent. Les controverses idéologiques s'embarrassent peu d'arguments scientifiques. Donald Trump, climato-sceptique déclaré, ne s'est jamais entouré d'une commission d'experts indépendants pour argumenter. Il a décidé par principe que le réchauffement climatique n'existait pas et le proclame sans se préoccuper de la véracité du propos. C'est le principe de la propagande, rebaptisée récemment post-vérité. C'est un choix délibéré qui ne s'embarrasse pas du vrai ni des données scientifiquement acquises.

Les controverses sur ce genre de sujet, telles qu'elles émergent dans la société à un moment donné, sont difficiles à suivre et à comprendre pour le commun des mortels. Outre le niveau de savoir demandé, la multiplicité des intervenants et l'impact de la désinformation rendent l'appréciation très difficile. Par exemple, la controverse sur l'extraction du pétrole et du gaz par fracturation hydraulique fait intervenir des milliers d'organismes de recherche et de personnes. Nous en donnons pour illustration le schéma fait dans le cadre des recherches en Scientific Humanities (Science Po, Paris). Il représente les divers intervenants et l'on se rend compte immédiatement qu'il est impossible de tout connaître à ce sujet et de faire dialoguer tout le monde.

 

 

 

4. La controverse entre créationnisme et évolutionnisme

Les fondamentalismes religieux, aussi bien chrétiens que musulmans, nient la doctrine évolutionniste. En ce qui concerne l'origine de Homme et l'évolution, on n'a pas affaire à un savoir scientifique neutre, comme celle concernant les propriétés de l'hydrogène ou l'écoulement des fluides, mais à un savoir qui vient participer aux grands récits de humanité. L'enjeu émotionnel est important.

Pourquoi admettre une conception scientifique plutôt qu'une conception religieuse ? La question n'est pas futile. Quelqu'un qui n'a pas de culture scientifique n'a pas de raison de croire plus à ce que dit la science qu'à ce que dit la religion. Ne connaissant pas la différence dans la constitution du savoir, il se trouve confronté à un choix sans argument, à un choix préférentiel.

Or, comme la religion apporte des idées qui sont bien plus agréables que la science (qui consolent, qui flattent), qu'elle est investie effectivement, il est plus avantageux de croire à la religion. Par exemple, dans le cas qui nous occupe (créationnisme versus évolutionnisme), il est bien plus valorisant de se sentir créé par Dieu, que de se considérer comme issu d'une branche phylogénétique quelconque. De plus, les créationnistes contemporains ne se contentent pas d'imposer leur mythe, ils essayent de s'approprier le prestige de la science en singeant ses procédés d'exposition. Finalement, dans la forme, pour le commun des mortels, les deux thèses se ressemblent.

Le créationnisme propose une conception religieuse de l’origine de la vie et de l'homme à partir d’une lecture revendiquée comme littérale des textes sacrés. La démarche scientifique est contestée, sur la base d’une argumentation jugée supérieure, la référence aux textes sacrés. Le créationnisme prend aussi une forme accommodante consistant à admettre les acquis scientifiques reconnus, pourvu que ceux-ci concordent avec les divers éléments de la création décrits dans les livres religieux.

Créationnisme et climato-scepticisme sont liés. Marie-Violette Bernard, dans un article sur le choix des manuels scolaires au Texas, note que la remise en cause de la théorie de l'évolution s'accompagne « d'un climato-scepticisme en béton armé ». Un membre du comité d'examen, Ray Bohlin, estime ainsi qu'il n'existe aucune preuve que le climat a changé ces dernières années ou que l'homme est responsable d'une telle évolution. Et de préciser, dans l'hypothèse où cette théorie serait valable : « Nous n'avons aucune idée des effets du réchauffement climatique sur la diversité des espèces. Le texte suppose que notre écosystème pourrait être perturbé, ce que nous ne savons tout simplement pas pour l'instant » (Le point. Quand-des-enseignants-creationnistes-jugent-les-manuels-scolaires. 13-09-2013).

Mais il y a plus ennuyeux. Certains débats entre créationnistes et évolutionnistes ne sont guère convaincants. On trouve souvent les mêmes arguments, les uns disant qu'ils sont vrais, les autres qu'ils sont faux. Pour les uns, les fossiles témoignent de la transformation des espèces, car on voit bien la filiation d'un fossile à l'autre et pour les autres les mêmes fossiles sont la preuve d'une simple succession. Pour les uns, il a y une complexification croissante des espèces, pour les autres, si l'on regarde chaque plan de base des êtres vivants séparément, les types primitifs ne sont pas plus simples que les autres.

En vérité, il n'y a pas de discussion vraiment argumentée, mais des interprétations opposées qui s'affrontent. Mais, peut-il en être autrement, puisque, pour se forger une idée probante dans ce domaine, il faudrait une formation scientifique longue et une pratique personnelle de la discipline que la plupart des personnes concernées ne peuvent avoir.

5. Postmodernité et déqualification de la science

La sociologie des controverses scientifiques a été instrumentalisée par les promoteurs d’une dédifférenciation des sciences par rapport aux autres discours et pratiques. Les tenants du relativisme radical veulent faire croire que la science est un espace agonistique non spécifique et réduisent les controverses à de simples polémiques (des débats non contraints par les faits et par des règles de raisonnement). Cette manière de voir qui date des années 1980 s'inscrit dans l'idéologie générale postmoderne de déconstruction, transgression des frontières et d'effacement des différences (le règne de la post-vérité).

Le débat est biaisé par une fausse opposition telle qu'on la trouve défendue par Tomaso Venturini :

« The recent proliferation of controversies derives from these two parallel movements: - the failure of the long-established strategy of silencing public debate through the supposed harmony of science - the raise of the new strategy of silencing public debate by drowning it in talk-shows’ cacophony. We will call positivism the first strategy and relativism the second ». (Cours Scientific humanities, Science Po, Paris, 2015).

J'ajouterai que l'autorité même de la science est contestée par le relativisme. En vérité, contrairement à ce que dit Venturini, la première alternative n'a rien à voir avec le positivisme (voir l'article : Le positivisme scientifique), c'est une stratégie sociale qui instrumentalise la science pour escamoter le débat et la seconde est un relativisme assez particulier, exacerbé, qui utilise le brouillage dans le même but. La critique sur l'absence de débat est, malheureusement, elle-même embrouillée par l'emploi de termes dont la signification est imprécise ou malvenue.

Le bon procédé pour un vrai débat serait de développer un savoir sur la manière dont la connaissance scientifique est constituée, comparativement à la manière dont les croyances idéologiques et religieuses sont adoptées. Ainsi, chacun pourrait comprendre la différence dans la validité des résultats. C'est le rôle de l'épistémologie. La différence entre les deux manières de constituer un savoir est énorme.

Pour la science, ce sont des procédures de confrontation réaliste au monde et, pour la religion, il s'agit d'imagination et d'idéalisation du monde à caractère métaphysique, transmises par la tradition. Pour l'idéologie, c'est la traduction d'intérêts de groupes sociaux en opinions largement divulguées. Développer la connaissance de la différence entre les deux devrait être une affaire d'enseignement public. Malheureusement, un tel enseignement n'existe qu'à l'Université et encore est-il assez restreint.

De plus, pour des raisons obscures, un certain nombre d'intellectuels s'est employé à disqualifier le savoir issu de la pratique scientifique en négligeant les conséquences de cette attitude.

La mise en doute de la science participe du climat de scepticisme de la postmodernité. Citons Jacques Bouveresse à ce sujet :

« On peut penser qu’aujourd’hui la science est en train d’achever de se démoder et que l’hostilité aux spécialistes a atteint son maximum. Une idée qui se répand de plus en plus et qui passe pour particulièrement démocratique semble être, en tout cas, celle de l’égale dignité et de l’égale valeur de toutes les convictions et de toutes les croyances, qui interdit d’accorder un privilège quelconque à celles de la science, et en particulier des sciences humaines, aussi argumentées et justifiées qu’elles puissent être ».

6. Falsification et rétention de l'information

Une partie du problème vient tout simplement de la volonté délibérée de tromper l'opinion publique, dans le but de favoriser des intérêts économiques et financiers. Par exemple, dans le cas de la pollution atmosphérique, les études scientifiques réalisées depuis le début du XXe siècle montrent sans conteste possible l'impact des polluants atmosphériques sur la santé. Sont incriminés les particules fines et les divers produits qui y sont associés. Cela a conduit l'OMS à recommander une limite de concentration des particules fines (dites PM 2,5) qui est loin d'être drastique.

La plupart des États font comme si cette norme n'existait pas. En Europe, la norme adoptée est de 150 % supérieure à la valeur préconisée et en France les véhicules à moteurs diesel, particulièrement polluants de ce point de vue, ont été favorisés jusqu'en 2020. La mortalité consécutive à cette pollution est tout simplement cachée à la population. Ne parlons pas de la Chine, pays sur lequel il n'y a pas d'information fiable, mais où d'évidence le problème est majeur.

Un autre exemple plus ancien concerne l’action de l’industrie du tabac. Des chercheurs ont été approchés, financés, et leurs travaux, minimisant les effets sanitaires du tabac, publiés dans des revues scientifiques. La manipulation a été dévoilée par les « Tobacco papers », documents internes des industries du tabac, dont la justice américaine a exigé la publication (Slama Rémy. Comment les conflits d'intérêt interfèrent avec la science. The converstation. 2016. https://theconversation.com/comment-les-conflits-dinterets-interferent-avec-la-science-60142).

Les partis populistes soit contestent l’existence du réchauffement global, soit relativisent les questions touchant au climat. Il y a une minimisation systématique et volontaire du problème dans le discours politique. Sur ce point le paysage politique en Europe ressemblent de plus en plus à celui des États-Unis où le climat est devenu un marqueur clivant entre un bloc progressiste et libéral qui reconnaît l’urgence climatique et un bloc populiste qui revendique l’inaction.

7. Les biais cognitifs ordinaires

La force de l'idéologie vient de la manière spontanée de penser celle qui sert à forger l'opinion et l'idéologie. Le facteur le plus anciennement connu a été nommé la « dissonance cognitive » : ce qui contrevient à l'opinion que l'on a est désagréable et est refusé.

Le repérage de biais cognitifs caractéristiques a été un affinement important de la notion. Le concept a été introduit au début des années 1970 par Daniel Kahneman (prix Nobel en économie en 2002) et Amos Tversky pour expliquer les décisions irrationnelles dans le domaine économique. Nous n'en citerons que quelques-uns, ceux qui s'appliquent plus particulièrement au problème du rapport entre science et idéologie.

Le biais le plus grossier est la sélection des informations qui vont dans le sens adopté et l'ignorance des autres. Ici, c'est la sélection d'information allant dans le sens de son intérêt (réel ou supposé). Il s'y adjoint un « biais de confirmation » qui consiste à ne prendre en considération que les informations qui confirment ses croyances et à ignorer ou discréditer celles qui les contredisent.

Le « biais de représentativité » consiste à porter un jugement à partir de quelques éléments. Il se complète par un « ancrage » qui est la tendance à utiliser comme référence le premier élément d’information acquis. Ces biais s’opposent à la démarche scientifique qui nécessite des réplications et une remise en cause constante de ses connaissances acquises.

Contrer ces biais demande un effort et un apprentissage pour lesquels les idéologues ne sont pas vraiment motivés, c'est le moins que l'on puisse dire.

Conclusion

Dans la société contemporaine, les controverses publiques prennent une place croissante. Arriver à différencier les arguments issus des travaux scientifiques des arguments issus du lobbying idéologique serait essentiel pour une participation citoyenne au débat politique.

Les considérations vues précédemment nous amènent à une conclusion pessimiste : l'opinion publique n'a pas les moyens de juger avec pertinence des controverses. Elle y est mal préparée et il existe très peu d'instances indépendantes pour lui apporter le savoir et l'argumentation qui permettraient de juger. L'opinion est constamment entraînée dans des mouvements idéologiques plus ou moins pilotés par des intérêts politiques, religieux et économiques.

La pensée critique et l’évaluation des arguments scientifiques se heurtent à des obstacles massifs. L'irrationalité collective n'est pas un problème nouveau, mais son utilisation sophistiquée par des acteurs sociopolitiques mal intentionnés augmente. Les formes contemporaines d'irrationalité et de travestissement de la réalité sont motivées par des enjeux idéologiques et politiques. Les mensonges et arrangements prennent de l'ampleur, ce qui a conduit à parler de complotisme et d'une ère de la post-vérité (voir : De la postmodernité à la post-vérité).

 

Bibliographie :

Bouveresse, Jacques. Bourdieu, savant et politique. Cités. 2004. https://www.cairn.info/revue-cites-2004-1-page-133.htm. 
Slama, Rémy. Comment les conflits d'intérêt interfèrent avec la science. The conversation. 2016. https://theconversation.com/comment-les-conflits-dinterets-interferent-avec-la-science-60142.
Venturini, Tomaso. Cours : Scientific humanities, Science Po, Paris, 2015.

 

L'auteur :

Juignet Patrick